Sionisme

Sionisme

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    LE SIONISME
     
     
    INTRODUCTION
    Sionisme.
    Le néologisme apparaît au cours du XIXème siècle et fait résonner Sion, le nom antique de Jérusalem et de la Terre d’Israel, avec l’expression de la modernité par son suffixe – isme. Il se définit comme un mouvement de détermination nationale du peuple juif, visant à restaurer sa liberté et son indépendance dans sa patrie ancestrale. Si Théodor Herlz fonde le mouvement sioniste en 1897, le rêve de restauration et de retour a toujours été au cœur du judaïsme et de l’identité juive.
    Il ne s’agit pas uniquement d’une idéologie moderne, qui, dès ses origines formule un projet politique et territorial. Le rêve sioniste en cinquante ans devient réalité et Israel le symbole de la re-naissance d’une nation.
     
    UN PROJET TERRITORIAL ET POLITIQUE - LES ORIGINES DU SIONISME 
     
    La volonté du retour à Sion - avant 1897
    -          Les références bibliques et une présence historique du peuple juif en Terre d'Israel
     
    ·         L’Histoire des juifs en Terre d’Israel s’étend sur près de 4000 ans comme les sources archéologiques l’attestent. Et, à toutes les époques, en dépit de la diaspora et des massacres, il y a une vie juive en Israel. La conquête romaine, les invasions arabes ou les croisades n’ont pas entamé la volonté du peuple juif de vivre sur la Terre promise. De même, le mouvement de retour des juifs en Israel – ou province de Palestine dans l'Empire ottoman - s’étale sur les siècles et permet de constituer les bases d’un foyer national.(1*) et (2*)
    ·         Les nombreuses références bibliques témoignent pour le peuple juif de l’attachement fervent et immuable à Eretz Israel - « terre d’Israel »-. On note près de 167 occurrences du terme « Sion » dans la Bible. Sion se pose comme référence poétique et géographique évoquant tantôt « la résidence de l’Eternel », la nostalgie de Jérusalem lors de l’exil et le combat pour sa défense. (3* )et (4*)
     
    -          De l’espérance religieuse à l’impératif politique
    Au-delà de l'espérance religieuse du retour à la Terre de Sion, le contexte politique, moral, intellectuel, social et culturel européen de la fin du XVIIIème siècle au début du XXème siècle pose en nécessité politique l'établissement d'un foyer juif en Israel.
    ·         En effet, le mouvement des Lumières qui érige le peuple souverain en principe suprême ; l'apparition des nationalismes en Italie, Allemagne et Europe de l'Est ; tout comme la vague de pogroms contre les Juifs en Russie  en 1881 (5*) suite à l'assassinat du Tsar Alexandre II et l'Affaire Dreyfus en France (6*) (1894-1906) sont des moteurs et des traumatismes pour les communautés juives européennes qui expliquent et justifient le passage du désir religieux au projet politique.(7*)
     
     
    -          L’apparition du terme « sionisme »
     
    ·         Compte tenu de la montée de l'antisémitisme en Russie, en 1881, des étudiants de Saint-Pétersbourg créent le mouvement des Amants de Sion en vue d'organiser l'émigration des Juifs dans la province de l'Empire ottoman. C'est tout le constat de Léon Pinsker dans son ouvrage Auto-émancipation en 1882 qui prévoit une judéophobie croissante et nécessite la création d'un Etat juif.
    ·         Ainsi, la première "moshava" – village -  voit le jour à Petah Tikva en 1878. De même, l'achat de terres dans la province de l'Empire ottoman par le baron français Edmond de Rothschild et le financement du premier établissement à Rishon LeZion permettent de constituer les bases d'une communauté agricole. Ness Ziona et Rehovot font également partie des premières communautés créées.
    ·         Le terme "sionisme" apparait en 1890 sous la plume de Nathan Birnbaum (8*)"zionismus" dans un article destiné à la jeunesse juive allemande. Le publiciste   crée un néologisme promis à une grande destinée à travers les langues, le temps et les continents et en donne les principes dans un livre éponyme en 1892 (Les principes du sionisme).
     
    L'élément national et la vocation politique associés à une orientation territoriale donnent naissance au mouvement sioniste.
     
    De la Terre au territoire - 1887-1922
    -          La naissance du mouvement sioniste, les différents congrès sionistes
    ·         Theodor Herzl (9*), journaliste hongrois, profondément choqué par l'Affaire Dreyfus publie en 1895 Der Judenstat. Considéré comme le fondateur du sionisme politique (9bis*), il se pose, à la différence de Léon Pinsker ou de Nathan Birnbaum, comme un leader charismatique avec un programme défini pour le futur Etat juif. D'autant plus que la réception du public croît au fil des différents congrès de l'Organisation sioniste mondiale (10*).
    ·         En effet, de 1897 à 1913, 11 congrès sionistes se succèdent. On retient particulièrement le premier en 1897 à Bâle qui fonde les principes et oriente les projets de l'Organisation sioniste mondiale naissante. Herzl écrit dans son journal au lendemain du Congrès de Bâle, un propos éclairant l'Histoire : « A Bâle, j’ai créé l’Etat juif. Si je disais cela aujourd’hui publiquement, un rire universel serait la réponse. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante sûrement, tout le monde comprendra ».
     
    -          Les prémices d’une reconnaissance européenne du droit d’Israel à exister, la base du « Foyer national juif »
     
    ·         L'entrée dans la première guerre mondiale de l’Empire ottoman avec l’Allemagne et l’Empire d’Autriche a un impact sur la région du Moyen-Orient. En effet, en cas de victoire de la Triple Entente (France, Royaume-Uni et Empire russe) contre la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie), la géographie de la région s'en trouve modifiée, ainsi que les Accords Sykes-Picot en 1916 l'envisagent. (11*)
    ·         La lettre de Jules Cambon (12*), secrétaire général du Ministère des affaires étrangères français à Nahum Sokolow, éminent dirigeant du mouvement sioniste, datée du 4 juin 1917, pose les prémices de la reconnaissance internationale de l'Etat d'Israel.
    ·         Le 2 novembre de la même année, la déclaration de Lord Balfour (13*) se pose en faveur de la création d’un foyer national juif en Palestine.
    ·         Suite à la conférence de San Remo de 1920 (14*), le Royaume-Uni se voit confier un mandat sur la Palestine par la Société des Nations en 1922 (15*).
    ·         Le mandat indique que le Royaume-Uni doit « placer le pays dans des conditions politiques, administratives et économiques qui permettront l'établissement d'un foyer national juif et le développement d'institutions d'auto-gouvernement ». Elle doit également « faciliter l'immigration juive et encourager l'installation compacte des Juifs sur les terres. »
     
    Le sionisme en pratique - 1922-1949
     
    -          Les différentes vagues migratoires et la mise en place d'institutions
     
    Au sortir de la première guerre mondiale, le sionisme revêt une dimension pratique, il confère une application concrète aux destinées du peuple juif en Terre d'Israel, que ce soit avec les différentes vagues migratoires (16*) ou avec la mise en place d'institutions.
    Si, dès la fin du XIXème siècle, la constitution administrative de l'Etat d'Israel est rendue possible avec la création du fonds national juif et du KKL en 1901 (17*), l'organisation territoriale en fronts pionniers – kvoutza selon l'idée d'Arthur Ruppin, "père de l'installation juive" (18*) - comme la naissance de l'Agence juive (19*) en 1929 contribue à l'établissement d'un foyer national.
     
    -          La Seconde guerre mondiale et le plan de partage de 1947
     
    Les drames qui touchent la communauté juive pendant la seconde guerre mondiale renforcent le destin du peuple juif en Israel. Au regard de la Shoah comme de la fin du mandat britannique en Palestine, la communauté internationale par le biais de l'ONU propose un plan de partage 20* le 29 novembre 1947.
     
    -          L’indépendance d’Israel en 1948 et l’entrée d’Israel à l’ONU en 1949
     
    Le rêve sioniste se mue en réalité avec la Déclaration d'Indépendance d'Israel le 14 mai 1948 21*. Texte capital qui rappelle l'histoire et l'identité d'un peuple intimement liées à celle d'une Terre et invoque la re-naissance d'une nation :
    "Nous, membres du Conseil national représentant le peuple juif du pays d’Israël et le mouvement sioniste mondial, réunis aujourd'hui, jour de l'expiration du mandat britannique, en assemblée solennelle, et en vertu des droits naturels et historiques du peuple juif, ainsi que de la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, proclamons la fondation de l'État juif dans le pays d'Israël, qui portera le nom d'État d’Israël."
    Israel fait son entrée à l'ONU l'année suivante, le 11 mai 1949 : une consécration sur la scène internationale pour le jeune état hébreu.
     
     
     « DU REVE SIONISTE A LA REALITE ISRAELIENNE » - LES APPLICATIONS DU SIONISME
     
     
    Le sionisme s'est voué à redonner une consistance et une actualité à des éléments nationaux qu'une existence bimillénaire en diaspora avait marginalisé. Autant qu'une quête territoriale, il est une cause nationale. Il donne sens à la re-construction d'une nation et d'une identité.
     
    Nation juive et identité israélienne
     
    -          Les fondements d’une nation juive unie et pluriculturelle
     
    ·         Outre l'affirmation d'une identité nationale, d'une revendication politique et d'un choix territorial spécifique, les sionistes se sont définis par une entreprise linguistique originale et ambitieuse : la consécration de l'hébreu comme une langue vernaculaire.  En effet, le nationalisme juif, sous la forme majeure qu'il prend avec le sionisme, est étroitement lié à la renaissance de la langue hébraïque. Du Siècle d'or espagnol (1492-1681) et la Renaissance italienne (fin XIVème siècle-début XVIème siècle) à la moitié du XIXème siècle, l'hébreu n'est plus seulement une langue sacrée vouée à la liturgie mais une langue de culture contribuant à la formation d'une conscience juive d'un autre type : une conscience nationale. C'est l'objet du projet d’Eliézer Ben Yehouda 22* : faire de l'hébreu – langue sacrée, écrite et figée – une langue populaire, parlée, maternelle – soit une langue vivante. La langue devient la manifestation la plus authentique du caractère national, du collectif, à la manière de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 10.VIII.1539 qui donne naissance à la langue française administrativement et permet l’unité nationale.
     
    ·         La recomposition de l’identité juive
    Le sionisme propose une tentative de ciment fédérateur pour la communauté juive. En proposant l'idée de "nation", les sionistes contribuent à la réflexion sur l'identité juive moderne.
     
    -          Un Etat démocratique
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    On a considéré Theodor Herzl comme le founding father de l'Etat juif. Le sionisme fera émerger une nation étatique, démocratique, religieuse et laïque à la fois.
    ·         Laïcité et religion(s)
    Le sionisme est paré d'une grande ambition : celle de contribuer à renouveler l'attachement à la Terre d'Israel dans la conscience juive et à favoriser le retour des Juifs sur cette Terre. Le mouvement maintient la différence particulière d'une nation qui est religion et d'une religion qui est nation. De même, en léguant à Israel le principe d'une nation juive, le sionisme a été à l'origine d'une expérience spectaculaire : le passage d'une unité virtuelle vécue dans l'intimité des communautés qui la composent à une unité concrète.
    ·         Institutions et droits fondamentaux, la modernité politique israélienne
    Au-delà d'un dénominateur commun, les sionistes affichaient leurs divisions sur un ensemble de questions pratiques et théoriques, faisant ainsi l'apprentissage de la chose publique. C'est au sein de cette arène politique constituée par des institutions telles que l'organisation sioniste, les congrès sionistes, l'Agence juive et des partis politiques qu'ont émergé des leaders :  Herlz, Weizmann, Jabotinksy, David Ben Gourion, mais aussi des militants. Le sionisme a joué une fonction majeure dans la politisation de la conscience juive, qui devint dès lors une préoccupation collective. Partagé entre sa vocation historique et sa vocation civique, l'Etat d'Israel est aujourd'hui défini comme " un Etat juif et démocratique".
    ·         Naissance d’une politique et d’une diplomatie israéliennes
    La nation d'Israel par sa nouveauté, son ouverture, sa modernité, les appuis qu'elle a cherché au sein de la communauté internationale, est en édification, mutation permanente. C'est cette forme d'inachèvement qui lui confère énergie et dynamisme. Le sionisme a permis le rayonnement d'un Etat israélien et d'une nation juive.
     
    -          Un pays refuge
     
    ·         Si en théorie, le sionisme était censé attirer les Juifs pour des raisons historiques, culturelles, religieuses, si la perspective de renaissance nationale et politique a pu constituer un attrait certain, il reste qu'en passant de l'état de projet à un état de fait, le sionisme a principalement rempli une fonction humanitaire. L'écrasante majorité des juifs ont immigré en Israel pour fuir des persécutions, situations de détresse, une condition d'humiliés, d'offensés, victimes de la barbarie nazie. Cette fonction d'accueil, de refuge n'a pas toujours présenté le même caractère d'urgence. Il reste qu'une part essentielle du sionisme aujourd'hui réside dans cette relation asymétrique : Israel est, pour un Juif en diaspora, un droit qu'il peut à tout moment exercer ; l'accueil de tout Juif de la diaspora, est, pour Israel, un devoir contracté par principe et indépendamment de toute conjoncture.
    ·         Par ailleurs, l’idéal de solidarité et d’humanité du sionisme à travers la coopération internationale est observable depuis 60 ans avec l'agence israélienne de développement MASHAV. 23*
     
    Le sionisme aujourd’hui
     
    Le sionisme s'est décliné en plusieurs courants tout au long de son histoire et a connu des avancées. On le retrouve sous différentes formes : religieuse, libérale, sociale au sein des partis politiques israéliens, ce qui témoigne de sa vitalité et de sa pertinence encore aujourd'hui. En tant que mouvement idéologique il a gagné son pari.
     
    Néanmoins, de la part des détraqueurs d'Israel, le sionisme se révèle être un prétexte pour attaquer l'Etat hébreu. La terminologie mal utilisée, est détournée de son sens véritable et historique. Pire, derrière l'antisionisme se cache un antisémitisme virulent.
     
     
     
     
    CONCLUSION
    Des textes bibliques s’appuyant sur une présence juive permanente depuis plus de 4000 ans en Terre d'Israel à la Déclaration d’Indépendance en 1948, en passant par la formation d’une idéologie au cours du XIXème siècle, l’aspiration du peuple juif à la création d’un foyer national dans sa patrie ancestrale a toujours été réelle, fervente et juste.
    Le sionisme formule le vœu de rassembler le peuple juif sur la Terre d'Israel. Idéalisme et sens pratique au fil des siècles ont permis de rétablir Israel en tant qu’Etat moderne et reconnu par la communauté des nations. Loin des utilisations fausses et mensongères du terme par les détracteurs d’Israel, le sionisme continue de réunir juifs et non juifs du monde entier avec l’espérance fervente d’un Etat sûr et prospère, vivant en paix avec ses voisins.
     
     
     
     
    Bases de Bibliographie :
     
    BENSOUSSAN Georges, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme
    CHARBIT Denis, Qu’est-ce que le sionisme ?
    STROUF Jean-François et WILHELM Christophe, Proche-Orient, Mythes et Réalités
    DERSHOWITZ Alan, Le droit d’Israel, pour une défense équitable
    DIECKHOFF Alain, Les espaces d’Israel, Essai sur la stratégie territoriale israélienne
    DIECKHOFF Alain, L’invention d’une nation. Israel et la modernité politique
    COHEN Mitchell, Du rêve sioniste à la réalité israélienne
     
    Liens :