Une projet prometteur entre Israeliens et Palestiniens.

Une belle histoire entre Israeliens-Palestiniens

  •   New York Times / Seth M. SIEGEL
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    Jason Greenblatt, l'envoyé du président américain au Moyen-Orient, a annoncé jeudi à Jérusalem lors d'une conférence de presse qu’Israéliens, Jordaniens et Palestiniens coopéreraient à un vaste projet d'infrastructure hydraulique qui fournira des milliards de litres de nouveaux approvisionnements en eau pour chacune des trois parties.

     

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     copyright: Pool photo by Ronen Zvulun
     
     
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    ​​​​​Ce projet - annoncé pour la première fois en décembre 2013 - prendra l'eau de la mer Rouge, près d'Eilat, la ville la plus méridionale d'Israël, et utilisera la gravité pour la transporter sur 220 kilomètres via le Royaume de Jordanie jusqu'à la partie sud de la Mer Morte, adjacente au Désert israélien de l'Arava. L'eau y sera désalinisée, l'eau salée étant déposée dans la mer Morte en cours de rétrécissement et l'eau douce sera transférée en Israël dans des fermes qui seront construites dans le désert. En échange, un pipeline d'eau sera construit depuis Israël vers la capitale de la Jordanie, Amman et Israël augmentera la quantité déjà considérable d'eau fournie aux Palestiniens de Cisjordanie, en particulier dans la région d'Hébron.

    Le génie stratégique du plan consiste à tisser entre eux les intérêts économiques vitaux de ces parties, parfois adversaires. Même si la Jordanie ou la Cisjordanie devaient, un jour, tomber dans un rejet radical, il serait quasiment impossible pour ces dirigeants de rompre complètement les liens établis ici, sans créer des difficultés considérables à leurs populations.

    Mais la plus grande nouvelle de la conférence de presse ne consiste pas en une simple mise à jour du projet de Canal Mer Rouge-Mer Morte. Elle consiste dans le fait que les plus hauts responsables de l'eau d'Israël et de l'Autorité palestinienne ont partagé une étape cruciale et se sont chaleureusement engagés les uns envers les autres. C'est, pour ainsi dire, un sommet dans l'histoire israélo-palestinienne concernant cette précieuse ressource.

     Suite à sa victoire dans la guerre de 1967, Israël avait pris le contrôle de l'infrastructure locale de l'eau et de son administration en Cisjordanie, comme dans presque tous les autres aspects de la vie civile. Cela a changé avec les Accords d'Oslo en 1995, créant à la fois l'Autorité Palestinienne et une Autorité Palestinienne de l'Eau, cette dernière étant responsable de superviser les projets de l'eau en Cisjordanie et à Gaza.

     Une autre caractéristique de transformation de l'accord de 1995 a consisté à modifier l'équilibre des forces, en donnant à Israël et aux Palestiniens un droit de véto réciproque sur les projets liés à l'eau en Cisjordanie. Cela a encouragé la coopération et conduit à une amélioration constante de l'infrastructure de l'eau tant pour les implantations israéliennes que pour chaque ville et village palestiniens.

    Mais depuis 2008, les dirigeants palestiniens ont décidé de transformer l'eau en un outil politique pour pilonner Israël. La revendication, qui a peu à peu gagné du terrain parmi certains membres de la communauté des droits de l'homme et des médias, était qu'Israël privait les Palestiniens d'eau pour les opprimer et pour briser leur économie. Sans égard pour le fait qu’Israël adhérait scrupuleusement à l'Accord d'Oslo et fournissait plus de la moitié de l'eau utilisée par les Palestiniens en Cisjordanie. L'Autorité palestinienne et ses supporters ont commencé à parler d’un ‘apartheid de l'eau’ et ont caractérisé toutes tentatives visant à souligner l'absurdité de cette affirmation de «bluewashing» autrement dit : une tentative d'étouffer les doléances palestiniennes.

    Pour éviter que cette crise de l'eau montée de toutes pièces ne soit exposée comme un simulacre, il fallait que les projets d'eau palestiniens s'arrêtent. Les universitaires palestiniens, les hydrologues, les écologistes et tant d'autres personnes ont été fortement découragées de mener toute recherche sur l'eau ou de travailler sur des projets d'eau avec des Israéliens. Le financement des ONG qui transitait par l'Autorité palestinienne s'est soudain asséché en matière de projets universitaires conjoints sur l'eau. On a dit aux ingénieurs palestiniens qu'ils n'obtiendraient pas de travail au sein de l'Autorité Palestinienne, à moins qu'ils ne rompent tous liens avec leurs homologues israéliens. Après des relations de travail chaleureuses et fructueuses de 1995 à 2008, l'Autorité palestinienne de l'Eau a refusé de rencontrer son homologue israélien y compris au sein de la Commission conjointe de l'Eau créée par Oslo. Tout cela sous la bannière "anti-normalisation", idée selon laquelle travailler avec les Israéliens pour améliorer les besoins en eau des Palestiniens "équivaudrait à l'acceptation des revendications maximales des Israéliens sur le territoire palestinien".

    La politique au service des administrés avait cédé la place à une politique au service de l'idéologie et de l'obstruction.

    C'est dans le domaine de l'eau que l'auto-sabotage de la campagne "anti-normalisation" a été ressenti le plus fortement. Si les implantations israéliennes ont souffert d'un manque de nouveaux projets en eau, les Palestiniens en ont souffert encore davantage.

    A voix basse, les milieux d'affaires palestiniens ont clairement fait savoir que ternir le nom d'Israël dans certains cercles ne valait pas le prix payé en terme de qualité de vie et d'opportunités perdues de "business".

    Il y a quelques mois, la Commission conjointe de l'eau a recommencé à se réunir, et les projets gelés depuis longtemps ont commencé à redémarrer. La participation des Palestiniens au projet Mer Rouge-Mer Morte et l'apparition publique de hauts responsables israéliens et palestiniens de l'eau avec M. Greenblatt confirment que la délégitimation d'Israël - au moins sur le sujet de l'eau - a échoué. Alors que l'Autorité palestinienne se tourne vers une approche plus pragmatique pour aborder la question de l'eau, mais aussi les besoins environnementaux et énergétiques de son peuple, cela conduira à une entité politique palestinienne économiquement plus sûre et peut-être même à de meilleurs résultats dans les grandes négociations politiques.

    Les Israéliens et les Palestiniens peuvent désirer ne pas être voisins. Mais c'est peut-être leur situation géographique commune qui ouvre la voie à une réconciliation plus profonde.

    Publié dans le New York Times: https://www.nytimes.com/2017/07/13/opinion/israelis-and-palestinians-water-deal.html

    Par SETH M. SIEGEL  13 juillet 2017​