(Communiqué du porte-parole de l'IAA)
"Le roi fit aussi un grand trône d'ivoire, et il le recouvrit
d'or pur" (1 Rois 10:18).
Une découverte extraordinaire a été mise au jour à Jérusalem : un
assemblage exceptionnel de plaques d'ivoire de la période du Premier Temple,
les premières de ce type à être trouvées à Jérusalem.
Elles ont été découvertes
lors de fouilles menées par l’Autorité des antiquités d'Israël, et l'Université
de Tel Aviv sur le parking Givati de la Cité de David, dans le parc national
des murs de Jérusalem ; les fouilles sont financées par la Fondation de la Cité
de David. Les plaques d’ivoire, (l’ivoire étant considérée comme l'une des
matières premières les plus coûteuses du monde antique - plus encore que l'or),
ont été découvertes parmi les ruines d'un bâtiment palatial utilisé lorsque
Jérusalem était à l'apogée de sa puissance (VIIIe et VIIe siècles avant
J.-C.). Les chercheurs pensent que les plaques d’ivoire décorées étaient
incrustées dans des meubles en bois utilisés par les résidents du bâtiment -
des gens riches, d'influence et de pouvoir, peut-être de hauts fonctionnaires
ou des prêtres. Elles seront exposées le mardi 13 septembre, lors de la 23e
conférence des études sur la Cité de David dans la Jérusalem antique. Elles
seront également exposées en octobre à Jérusalem à la conférence de l’Autorité
des antiquités d'Israël, de l'Université de Tel Aviv et de l'Université hébraïque.
Selon les directeurs des fouilles, le professeur Yuval Gadot, du
département d'archéologie et des cultures du Proche-Orient de l'université de
Tel Aviv, et le docteur Yiftah Shalev, de l’Autorité des antiquités
d'Israël : "Jusqu'à présent, nous ne connaissions que des pièces
d’ivoire décorées provenant des capitales des grands royaumes de la période du
Premier Temple, comme Nimroud, capitale de l'Assyrie, ou Samarie, capitale du
royaume d’Israël. Maintenant, pour la première fois, Jérusalem rejoint ces
capitales. Nous étions déjà conscients de l'importance et de la centralité de
Jérusalem dans la région à l'époque du Premier Temple, mais les nouvelles
découvertes illustrent son importance et la placent au même rang que les
capitales de l'Assyrie et du Royaume d'Israël. La découverte de ces plaques
d’ivoire est un pas en avant dans la compréhension du statut politique et
économique de la ville dans le cadre de l'administration et de l'économie
mondiales."
L'ivoire n'est mentionné que quelques fois dans la Bible, toujours
en rapport avec la royauté ou la grande richesse - la description du trône du
roi Salomon (I Rois 10 :18) ; un palais d'ivoire construit par le roi
Achab à Samarie (1 Rois 22:39) ; et la fustigation de la noblesse israélite par
le prophète Amos : "Ils sont couchés sur des lits d'ivoire, ils se
prélassent sur leurs divans" (Amos 6:4).
L'imposant bâtiment dans lequel les plaques d’ivoire ont été mises
au jour a été dévasté par un gigantesque incendie, apparemment lors de la
destruction de Jérusalem par les Babyloniens en 586 avant J.-C., et les pièces
ont été découvertes brisées en petits morceaux et brûlées. Lors des fouilles,
dans le cadre du projet de tamisage humide dans le parc national d'Emek Tsurim,
pas moins de 1 500 fragments ont été trouvés. Ce n'est qu'après un projet de
restauration unique, mené par la conservatrice Orna Cohen, en collaboration
avec Ilan Naor de l’Autorité des antiquités d'Israël, que les plaques ont été
restaurées et que la richesse de l'assemblage a été révélée. À la fin du
processus d'assemblage et de "fusion" de centaines de fragments, nous
avons pu comprendre que l'assemblage comprend les restes d'au moins 12 petites
plaques carrées - d'environ 5 cm x 5 cm, d'une épaisseur maximale de 0,5 cm -
qui étaient à l'origine incrustées dans des meubles en bois", ont déclaré
Cohen et Naor.
Les pièces d’ivoire découvertes ne sont pas les seuls objets
prestigieux trouvés sur le site. Un sceau en agate a également été découvert,
ainsi qu'une empreinte de sceau portant le nom de "Natan-Melech serviteur
du roi", des jarres ayant contenu du vin épicé à la vanille, des objets en
pierre décorés et des objets en bois qui faisaient apparemment partie d'autres
grands meubles en bois.
Les plaques d’ivoire décorées sont les pièces les plus rares et
les plus remarquables des assemblages archéologiques. Leur prestige tient à la
provenance de l'ivoire : des tests au microscope effectués par Harel Shohat, de
l'université de Haïfa, ont révélé qu'elles étaient fabriquées à partir de défenses
d'éléphants.
"Le prestige de l'ivoire est également associé à la grande
habileté requise pour le travailler et créer des décorations", expliquent
les professeurs Gadot et Shalev. "L'assemblage d'ivoire découvert dans la
Cité de David était probablement importé, et fabriqué à l'origine par des
artisans d'Assyrie. Les pièces d’ivoire ont pu arriver à Jérusalem comme un
cadeau en provenance d'Assyrie et destiné à la noblesse de Jérusalem. Suite à
une comparaison avec des objets complets apparaissant sur des plaques murales
du palais du roi assyrien Sennachérib à Ninive, nous suggérons que les plaques
d'ivoire de Jérusalem étaient à l'origine incrustées dans un divan-trône, et
nous pouvons imaginer qu'il était situé au deuxième étage de l'opulente
structure."
Les décorations de la plupart des plaques d’ivoire étaient
identiques, consistant en des cadres incisés de rosaces au centre desquels se
trouvait un arbre stylisé. D'autres plaques étaient ornées de fleurs de lotus
et d'un motif géométrique. Selon le Dr Ido Koch et Reli Avisar de l'Université
de Tel Aviv, qui ont étudié les objets, la rosace et l'arbre étaient des
symboles populaires dans le répertoire visuel mésopotamien et dans d'autres
centres culturels. Des objets en ivoire portant des décorations similaires ont
été découverts des assemblages d'ivoire de Samarie, et dans des palais plus
lointains, comme à Nimroud et Khorsabad, au cœur de l'empire assyrien. L'élite
judéenne a adopté ces symboles à l'époque où Juda était sous la domination de
l'Empire assyrien (à partir de la seconde moitié du VIIIe siècle avant notre
ère).
Il est intéressant de noter que ces trois symboles apparaissaient
à l'époque dans le Royaume de Juda comme symboles du royaume à la fois sur des
objets en pierre qui ornaient les bâtiments opulents (chapiteaux en pierre
décorés découverts à Jérusalem à Armon HaNatziv, à Ramat Rachel et à Nahal
Rephaim, ainsi que sur des sceaux utilisés dans l'administration royale (des
sceaux à rosette étaient utilisés pour tamponner des jarres, marquant leur
contenu comme appartenant à la maison royale). Plus intéressant encore, les
figures mythologiques animales et humaines qui apparaissent sur les objets en
ivoire découverts à Samarie, à Nimrud et dans d'autres centres n'existent pas
dans l'assemblage de Jérusalem. "Il est possible que nous ayons ici la
preuve d'un choix culturel de l'élite de Jérusalem quant aux symboles mondiaux
à adopter et à rejeter", affirment les chercheurs.
Eli Eskozido, directeur de l’Autorité des antiquités
d'Israël a déclaré : "Les fouilles dans la Cité de David ne cessent
de nous surprendre. Cette fois, grâce au travail délicat et inspirant des
conservateurs et des chercheurs, nous avons eu un aperçu de la vie quotidienne
des gens qui vivaient ici il y a des milliers d'années. Ces découvertes
redonnent vie aux pierres anciennes. Le fait de réaliser que la culture
matérielle des élites sociales de Jérusalem à l'époque du Premier Temple
n'était pas inférieure - et peut-être même supérieure - à celle des autres
centres dirigeants du Proche-Orient ancien, démontre le statut et l'importance
de Jérusalem à cette époque."