sous le prisme d'Israel

Sous le prisme d'Israël

  •   Le Moyen-Orient sur le fil du rasoir: Situation Géopolitique vue sous le prisme d’Israël
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    Ecrit Par Betty Harel

     

    Préambule
     
    En décembre 2010,  se produisait un séisme géant  dont l’épicentre, la Tunisie,  marquait  le point de départ d’un  déferlement de   cataclysmes  qui  allaient ébranler   d’autres pays arabes et leurs dictatures autocratiques.  Muselées de nombreuses années durant,  privées de libertés individuelles et publiques, saignées aux quatre veines par des despotes   kleptocrates et  mégalomanes, victimes du chômage et de la misère, étranglées par un  coût de la vie galopant  mais demeurant avides d’espérance en un jour meilleur,   des foules de jeunes et de moins jeunes descendirent alors dans la rue, manifestèrent  sur les places publiques nuit et jour,   réclamant haut et fort l’instauration d’une démocratie, une vraie,  non plus seulement de façade, et exhortant les dictateurs qui les  dirigeaient  de main de fer,   à « dégager ».   Ce phénomène de soulèvement et  de contestation populaire sans précédent dans le monde arabe, communément baptisé « Printemps arabes » fit  naître de  nombreux espoirs en occident et plus particulièrement en Israël.   Israël, foyer du peuple juif est une démocratie  dans un Moyen-Orient hostile où il est perçu par ses voisins comme un intrus gênant  dont il faut se débarrasser.

    Israël nourrit  alors l’espoir  qu’une vague démocratique   verrait  le jour et  gagnerait  la région,  et avec elle l’accession à  des  valeurs communes,  inhérentes  à la démocratie ;   tolérance, modernité,  acceptation de l’autre, et à plus long terme  amélioration des relations, voire,  fin des hostilités et acheminement vers une paix réelle.

    Malheureusement tous ces espoirs se sont  très vite avérés vains. Les dictateurs corrompus  et leurs sbires ont bien été pour la plupart évincés et écartés ou même  liquidés,  mais à leur place  sont montés au pouvoir des leaders  religieux extrémistes, dont la gouvernance s’avère  avoir  un caractère ultra-autoritaire flagrant.  Ces nouveaux régimes islamistes ont été  mis en place par le pouvoir des urnes,  grâce à l’organisation structurée de leurs partis  et à la division des autres mouvements  laïcs,  novices en matière de démocratie et d’élections.  Et l’image d’un hiver sombre  et intégriste a  très  vite anéanti   les bourgeons d’espoir et de démocratie qu’avaient fait naître ces  Printemps arabes  mort-nés.

    Dès le début, les mouvements de libération dans les pays arabes ont été pris en otage par des mouvements extrémistes : islamistes, religieux réactionnaires, groupes terroristes comme AQMI (Al-Qaida Maghreb Islamique) ,  comme par exemple au  Mali, premier pays victime collatérale du  Printemps arabe en Libye. A la chute de Kadhafi, les combattants  Touaregs qui constituaient la garde rapprochée du tyran libyen, n’ont eu d’autre choix que de rentrer chez eux au Mali mais avec un énorme butin ; un arsenal d’armes sophistiquées  qui, très rapidement,  est tombé aux mains de l’organisation terroriste AQMI et autres mouvements  islamistes salafistes comme Ansar Dine.  Muni de cet armement ultra-moderne, « ce beau monde »  envahit  le nord du Mali et y instaura  un régime islamiste obscurantiste régi par  la charia. Et  on connait la suite ; intervention de la France en janvier 2013 aux côtés de l’armée régulière malienne pour libérer ce pays du joug islamiste.

    Les pays occidentaux soutenant ces mouvements de libération et leur apportant, dans certains cas, une assistance  financière,   logistique ou autres,  jugèrent  Israël bien pessimiste et rabat-joie,  quand ce dernier, lucide,  osa émettre des réserves quant au dénouement  démocratique  de ces Printemps-arabes.

    Où en sommes-nous aujourd’hui ?  Sur quoi  ont  debouché les Printemps arabes ?

    Toutes les craintes d’Israël se sont malheureusement avérées exactes, dans les formes les plus radicales.

    La Syrie,  pays dans lequel ce qui a commencé en mars 2011 comme étant un large mouvement de contestation contre le  gouvernement syrien  opposant manifestants  anti-régime aux  loyalistes pro-Assad,  s’est  rapidement transformé en guerre fratricide.   Actuellement se livre un combat sans merci entre les loyalistes syriens (alaouites) avec à leurs côtes  des combattants de l’organisation terroriste  Hezbollah (chiites) – ils bénéficient du soutien actif de l’Iran et de la Russie – et les rebelles (sunnites pour la plupart) qui eux, reçoivent l’appui des pays  à forte prédominance sunnite, comme les pays du Golfe, l’Arabie Saoudite, la Turquie mais aussi de mouvements terroristes tel Al-Quaida.

    La Syrie est à ce jour  à feu et à sang  et  l’on assiste quasiment impuissant aux massacres de populations civiles  – On dénombre à ce jour près de 93.000 morts. On a les preuves de l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar al Assad.  L’Iran est  directement impliqué dans ce conflit avec ses affidés,  le Hezbollah. La guerre civile syrienne déborde et est en train de s’exporter hors des frontières syriennes, atteignant  le Liban. Les tensions  communautaires entre Sunnites et Chiites sont à leur paroxysme.

    En Irak – On assiste à une situation sécuritaire explosive. C’est là que les tensions communautaires sunnites-chiites ont commencé à s’exprimer et sont à ce jour   arrivées à un point culminant,  avec des attentats sanglants presque chaque semaine.

    En Egypte -  L’éviction de Hosni Moubarak  et la montée au pouvoir des Frères Musulmans a créé des tensions croissantes entre laïcs et religieux. Il est trop tôt pour dire où va l’Egypte de Morsi.  Ce dernier  se rend bien compte, en tant que chef de l’Etat Egyptien, que son problème majeur n’est pas Israël,  mais l’économie de son pays qui est en  plein délabrement (chômage des jeunes galopant) et de fait, sa dépendance totale à l’assistance financière  américaine.

    Il est important de noter que l’Egypte vient de rompre ses relations diplomatiques  avec Damas  en raison de son soutien aux rebelles sunnites.

    En Tunisie – C’est un pays qui, au temps de Ben-Ali, était l’un des plus avancés  dans le domaine du droit des femmes. Il connait  une régression certaine dans le domaine des droits de l’homme (et de la femme) depuis l’avènement  au pouvoir  du parti religieux Ennhada.  On  assiste au  télescopage  entre les aspirations du peuple à la laïcité et  à la liberté,  et les verrouillages  imposés  par le régime islamiste, notamment  en matière  de  liberté d’expression et  de  recul du statut des femmes.

    En Libye – La chute de Kadhafi a engendré une forme de guerre civile sur fond de  tensions religieuses et éloigné les  perspectives de liberté tant convoitées.  En effet, cela a libéré des forces religieuses extrémistes jusque-là  contenues par la force,  par  le despotique  Kadhafi et a ouvert la route à des mouvements terroristes comme AQMI et Al-Qaida, ce  qui a même abouti à l’occupation du Nord Mali par les  islamistes et un retour à la charia.  L’intervention des Forces Françaises a été nécessaire  pour  libérer le nord Mali du joug islamiste.

    Où se situe Israël dans cette conjoncture ?

    Israël demeure le seul ilot de démocratie mais aussi la seule  oasis  dont l’économie connaît   une croissance  exponentielle. Israël a cependant  l’insigne privilège d’être le seul pays  confronté à une menace existentielle par les pays voisins et ceux, non limitrophes,  tel que l’Iran.

    L’Iran – la menace iranienne et son programme nucléaire.

    L’Iran qui, au tout  début des Printemps arabes, soutenait avec ferveur  ces mouvements,  a complètement  retourné sa veste et changé de position au  moment où cette contestation toucha le régime ultra-autoritaire du dictateur syrien  Bachar al Assad,  son  indéfectible allié.

    La théocratie iranienne qui n’a pourtant aucune  frontière commune avec Israël,  a toujours vu en Israël,   le petit Satan (le grand Satan étant les Etats-Unis),  le cancer qu’il fallait éradiquer de ce monde. L’Iran développe depuis de longues années son programme nucléaire en vue de se doter de l’arme nucléaire qui lui octroierait et  l’omnipuissance et  le statut de leader incontesté  du monde musulman. Le monde  entier s’en inquiète et Israël aussi.  C’est pourquoi le Premier ministre Netanyahu a clairement défini devant l’Onu, les lignes rouges que l’Iran  ne devait pas franchir, à savoir, dépasser  les  250 kg d’uranium enrichi à 20%.  Mais l’Iran s’achemine lentement mais inexorablement vers cette ligne rouge.

    Les élections présidentielles en Iran  ont vu la victoire le 16 Juin 2013,   au premier tour,   du candidat  modéré,   Hassan Rohani. Cette victoire entrouvre la porte à certains espoirs, et sur le plan intérieur et sur le plan international. L’occident ne se fait pourtant pas grande illusion quant à un changement notoire sur le plan du soutien au terrorisme et du programme nucléaire de l’Iran, le grand maître absolu de cette dyarchie,  demeurant le Guide Suprême,  l’Ayatollah Khamenei. Certains analystes prédisent  cependant que la présidence de Rohani,  constituera  une sorte de  « changement dans la continuité »,  à savoir  un ton  plus diplomatique,  une  musique plus harmonieuse, mais  un discours  à l’adresse de l’Occident  identique à  celui de ses prédécesseurs,  quant  à son fond.  Cette édulcoration de l’image  de l’Iran en la personne de son Président,  lui permettrait de sortir de l’isolement dans lequel il a été  confiné depuis plusieurs années,  de renouer voire de normaliser ses relations avec l’Occident et en tête  les Etats-Unis, après un long et douloureux divorce (entamé par  le virulent Ahmadinejad)  et surtout  d’obtenir, ce qui est une priorité pour les Iraniens, l’allègement ou même la levée totale des sanctions  qui ont asphyxié   l’économie iranienne.

    Pour le moment c’est le « wait and see », qui prévaut, et on attend de voir si les belles paroles de Rohani  se traduiront  en actes qui attesteraient de la bonne volonté de l’Iran, quant à son programme nucléaire,  son soutien au terrorisme  et autres sujets épineux.

    A la lumière d’une possible avancée  du programme nucléaire iranien,    l’implication iranienne dans le conflit en Syrie reste pour Israël insupportable.

    La Syrie – La guerre civile en Syrie n’a jamais été à proprement parler   un problème  pour Israël  qui  n’a donc jamais  pris part  ni  parti dans ce conflit. Dès le début,  Israël a néanmoins fait part de son seuil de tolérance concernant le transfert d’armes (à l’instar de missiles et d’armes chimiques)  risquant de  modifier le rapport de forces   « Game changer ». Israël a été catégorique quant à ce seuil de tolérance et fait clairement savoir qu’il ne devait en aucun cas être outrepassé,   et  que cela constituait une ligne rouge  à ne pas franchir, faute de quoi Israël se verrait dans l’obligation  de prendre les mesures qui s’imposent.

    Israël est le premier pays à avoir tiré  la sonnette d’alarme quant à l’usage, par le régime d’Assad, d’armes chimiques et suite à cette alerte, la communauté internationale dans son ensemble et les Etats-Unis  en ont  obtenu les preuves irréfutables.

    Israël s’en tiendra  à son principe de non-intervention  dans ce conflit, tant que celui-ci ne se propagera pas dans la région et tant que sa sécurité ne sera  pas directement  menacée.

    Le calme sur la frontière  israélo-syrienne et sur le plateau du Golan est actuellement sérieusement ébranlé  et on entrevoit  une perte de contrôle du régime d’Assad sur cette région qui pourrait tomber entre les mains  de groupes rebelles extrémistes. Cet éventuel scenario fait craindre une reproduction du schéma qui prévaut actuellement  en Egypte  dans le Sinaï,  le plateau du Golan risquant  de se transformer  en  un Sinaï  bis  avec tous les dangers que cela implique.

    La Russie  ayant des intérêts qu’elle considère comme stratégiques et vitaux en Syrie notamment  le point d’appui du port de Tartous, fera tout ce qui est en son pouvoir  pour maintenir Assad  à la tête de la Syrie.  Pour ce faire,   Moscou a promis  d’offrir  au président syrien  un atout de taille : la fourniture de missiles S 300 (Sol-Air) – système de défense anti-aérienne sophistiqué, dont les batteries sol-air sont capables d’intercepter des avions et des missiles téléguidés.  Le déploiement des missiles S300 est considéré comme un «Game changer», un événement capable de changer les rapports de force et donc peut-être la donne, en Syrie. L’installation des batteries empêcherait en effet, si elle était décidée, l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du pays. Plus généralement, elle remettrait en question toutes les velléités d’intervention militaire en Syrie, qu’il s’agisse de frappes aériennes ou d’envoi d’une force destinée à sécuriser les stocks d’armes chimiques. Elle restreindrait aussi considérablement la liberté d’action de l’aviation israélienne, constamment sur le qui-vive depuis le début de la guerre civile. Israël veut donc empêcher tout transfert éventuel de S300 au Hezbollah libanais et à l’Iran, deux fidèles alliés de Bachar al-Assad, qui considèrent l’Etat hébreu comme un ennemi à abattre. Comme les armes chimiques, la question des S300 est considérée par les autorités israéliennes comme une «ligne rouge».

    Voici  les divers scenarii envisageables concernant la Syrie.

    Scenario No 1 : Victoire de Bashar al Assad sur les rebelles.
     
    Le Hezbollah verrait alors sa position se consolider et la présence de l’Iran en Syrie se renforcerait.  Bien évidemment cela signifierait par  conséquent la présence  de l’Iran sur la frontière nord de la Syrie – frontière qu’Israël partage avec la Syrie , une éventualité, bien évidemment, inenvisageable et intolérable pour l’Etat Hébreu.

    Ce scénario est assez plausible étant donné  qu’Assad et son armée, avec l’aide active du  Hezbollah – Iran – Russie est en train de reprendre du poil de la bête et de reconquérir des positions  importantes qu’il avait perdues tel  Qousseir, reconsolidant ainsi l’axe qui va de Damas à la Méditerranée.

    Ce scénario est le pire scenario pour Israël, qui verrait donc «  s’inviter »  à  ses frontières nord deux indésirables et dangereux hôtes : le Hezbollah et l’Iran qui  aspirent à mettre  son existence en péril.

    Scenario No 2 – Echec de Bashar  al Assad et partition de la Syrie
     
    Le régime de Assad  ayant été affaibli,  la Syrie ne pourrait  conserver son intégrité territoriale et  serait  divisée entre  les diverses communautés que compte la Syrie (alaouites, sunnites, chiites).

    Scenario très problématique à tous points de vue qui risque d’ouvrir une boîte de Pandore  de laquelle pourraient s’échapper de redoutables maux.

    Scenario No 3 -  Défaite totale d’Assad et victoire des rebelles.
     
    Ce scénario impliquerait bien évidemment la chute du régime d’Assad et le morcellement  de la Syrie.

    Il est peu probable du fait des innombrables dissensions qui divisent et affaiblissent  considérablement la rébellion.

    Scenario No 4  – Compromis  à l’issue d’une conférence internationale sous l’égide des Etats-Unis.
     
    Cette conférence se fixerait pour  objectif premier de conserver l’intégrité territoriale de la Syrie et offrir une porte de sortie honorable à Assad et ses fidèles.

    Conclusion
    On assiste actuellement en Syrie, à un combat sur le terrain entre loyalistes et rebelles  qui a lentement glissé vers une confrontation communautaire, opposant Chiites/Alaouites aux Sunnites et plus largement à un affrontement entre la Russie (qui soutient ouvertement Assad) et le monde Occidental incluant l’Union Européenne et les Etats-Unis qui soutiennent mollement les rebelles et auraient la velléité de leur livrer des  armes. En effet Poutine, le président russe est prêt à tout pour assurer la pérennité du régime d’Assad  – il y a va de sa propre crédibilité, de son propre avenir politique et surtout  de l’opportunité pour la Russie de redevenir une grande puissance à l’égal des Etats-Unis.  C’est  dire combien l’enjeu est  capital pour la Russie.

    En ce qui concerne Israël,   aucun des scenarii précédemment exposés,  ne lui est favorable – le « moins pire » serait cependant le dernier, c’est-à-dire le compromis.

    Pour conclure, tous ces Printemps arabes qui laissaient miroiter tant d’espoirs de changements positifs pour Israël, espoirs de démocratisation des pays arabes donc espoir de  possible paix ou a minima,   érosion de l’hostilité à l’égard de l’Etat hébreu  ,  Israël a vite déchanté ,  ses espoirs se sont évanouis et ont laissé place à un  terrible constat : la haine contre Israël était et demeure plus vivace que jamais  de la part des pays arabes quels que soient  les pouvoirs en place.
     

     

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