Nous ne pouvons laisser le régime iranien jouer à ce jeu

Interview: PM Netanyahou parle à Lally Westmouth

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    Traduit de l’anglais par Betty Harel

     

    Nous présentons quelques extraits de l’interview du Premier ministre  israélien Benjamin Netanyahou avec Lally Westmouth,  rédactrice en chef adjointe du  célèbre quotidien américain  Washington Post. Cet entretien a été donné à Jérusalem et  publié le jeudi 20 juin 2013.  
     
     
    L’Iran
     
    Lally Westmouth : Vous avez déclaré cette semaine qu’Israël n’acceptera rien de moins que la suspension totale par l’Iran de tout enrichissement de matières nucléaires. Vous avez également réclamé que l’Iran retire  toutes les matières nucléaires enrichies. Vous avez ensuite fait état de quelques conditions. Sont-elles à ce jour plus conséquentes ? En outre avez-vous un calendrier d’action militaire contre l’Iran ?  
     
    B. Netanyahou : Ce ne sont pas mes conditions. Ce sont les exigences du Conseil de Sécurité de l’ONU. Et ce sont des exigences minimales, à savoir, que l’Iran retire toutes les matières nucléaires enrichies, qu’il stoppe tout enrichissement et qu’il ferme la centrale illégale de Qom. Je pense que les Iraniens doivent s’en tenir à cela. Ce serait  une épreuve de vérité  quant  au  sérieux de leurs intentions. On ne peut  privilégier la forme avant le fond.
     
    Lally Westmouth : Que pensez-vous des récentes élections en Iran ?
     
    B. Netanyahou : Je pense que ces élections reflètent le profond mécontentement du peuple à l’égard du régime. Malheureusement le résultat de ces  élections n’a guère  le pouvoir de modifier les réelles ambitions nucléaires de l’Iran. Ces dernières sont définies non par le président élu mais par celui que l’on surnomme le  Guide suprême, (l’Ayatollah Ali) Khamenei.
     
    Lally Westmouth : Vous laissez entendre que le programme nucléaire iranien est contrôlé par Khamenei ?
     
    B. Netanyahu : Conduit et contrôlé par Khamenei. Ce dernier demeure déterminé à poursuivre dans la même voie et à  doter l’Iran d’armes nucléaires. Et je le crains,  ces élections ne changeront rien à  cet état de choses.
     
    Lally Westmouth : Mais après tout, Khamenei a exclu de la course présidentielle,  Esfandiar Rahim Mashaei [bras droit d'Ahmadinejad et bête noire du Guide suprême – rem. de la traductrice],   et a aussi invalidé d’autres candidatures.   Hassan Rohani était l’un des candidats autorisé par le Guide suprême à  se présenter  au scrutin présidentiel.
     
    B. Netanyahou :  c’est juste,  Rohani  a été choisi pour  faire partie de  la liste des  candidats présidentiables aux dernières  élections car il correspondait à l’idéologie  extrémiste de Khamenei. Des centaines de candidats ont été disqualifiés,  n’en sont restés que sept.  Ils ont ensuite écarté  (l’ancien président réformateur Ali  Akbar Hachémi) Rafsandjani et Mashaei. Ils ont laissé la candidature de  Rohani – qui fut conseiller à la sécurité nationale de l’Iran et ancien chef  négociateur de Téhéran pour le dossier nucléaire. Il est l’auteur d’une doctrine que j’appelle  « discuter et enrichir ».  Il a écrit un livre sur ce sujet.
     
    Lally Westmouth : Est-ce une image, ou a-t-il vraiment écrit un ouvrage ?
     
    B. Netanyahou : Il a écrit un livre qui  portait sur son expérience en matière de négociations.
     
    Lally Westmouth : En tant que négociateur nucléaire ?
     
    B. Netanyahou : Oui et sur son expérience dans d’autres domaines.
     
    Lally Westmouth : Pensez-vous que Rohani donnera, du  régime Iranien,  un visage plus présentable?
     
    B. Netanyahou :  Rohani le dit lui-même , en calmant la communauté internationale, l’Iran est capable de faire régulièrement avancer son programme d’armement  nucléaire. Faisant référence à ce qui s’est passé en 2004 [il était alors en charge des négociations nucléaires pour l’Iran – rem. de la traductrice] il déclare : « Alors même que nous négociions avec les Européens à Téhéran, nous installions dans le même temps une partie des équipements de la Centrale nucléaire de Ispahan [présentée comme une installation à usage exclusivement civile - rem. de la traductrice] qui est composée d’une usine de conversion [d’uranium et d’une usine de fabrication de combustible - rem. de la traductrice]. Rohani ajoute : « En fait en créant un environnement calme et serein, nous avons mené à bien le travail à Ispahan ».
    Nous ne pouvons laisser le régime iranien jouer à  ce jeu. Ils essaient de gagner du temps. Ils continuent à enrichir l’uranium). Ils consolident la base de leur programme nucléaire. Ce que l’Iran recherche, ce n’est pas une ou deux bombes mais 200. Ils construisent des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) [missiles à longue  portée – plus de 5600 km - rem. de la traductrice] et  développent en parallèle leur programme nucléaire.  Les missiles balistiques intercontinentaux  ICBM ne nous sont pas destinés  à nous, Israël – ils vous sont destinés à vous. Téhéran  forme le projet de pouvoir   atteindre, dans six ou huit ans,  le continent américain. Un  tel régime, considéré  comme  voyou, en  possession d’un arsenal nucléaire et ayant de surcroit des ambitions messianiques et apocalyptiques, risque de mettre en grand péril le monde entier. Il fait aussi peser un lourd danger sur  la paix du monde.
     
    Lally Westmouth : Etes-vous prêts à agir militairement contre l’Iran ?
     
    B. Netanyahou : Je n’ai jamais parlé de ce que nous sommes prêts à faire, Israël se réserve cependant le droit d’agir et de se défendre par lui-même,  contre toute menace.
    La relance des pourparlers de paix
     
    Lally Westmouth : Que pensez-vous des tentatives de Kerry en vue de relancer les négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne ?
     
    B. Netanyahou : Pour ce qui est de garantir la paix avec les Palestiniens, je pense que nous devrions cesser de négocier sur les négociations. Je pense que nous devrions  tout simplement aller de l’avant.
     
    Lally Westmouth : Vous avez bien dit «Je pense que nous devrions  tout simplement aller de l’avant » ?
     
    B. Netanyahou : Oui nous devrions aller de l’avant. Nous devrions entamer des négociations sans préconditions. Ceci est mon point de vue depuis déjà quatre ans et j’espère  que cela deviendra aussi le point de vue des Palestiniens. Si le Secrétaire d’Etat Kerry dont nous soutenons les efforts, venait à planter  une tente à mi-chemin  entre Jérusalem et Ramallah –  15 minutes en voiture  séparent les deux villes, je serais là,  j’y viendrais, sous la tente. Et je m’engagerais  à rester sous la tente et à  négocier aussi longtemps qu’il le faudra  pour trouver une solution de paix et de sécurité entre nous et les Palestiniens.
    Mais maintenant il y a plusieurs choses dont j’ai besoin pour parvenir avec succès à un accord, mais je ne les questionne pas sur Abou Mazen à l’avance.  Israël s’est retiré de territoires,  du Liban et de Gaza,  avec la promesse formelle qu’une fois ces territoires évacués, Israël obtiendrait la paix et la sécurité. Mais en fait, c’est tout le contraire qui s’est produit. Nous avons donné la terre, mais nous n’avons pas reçu la paix. Nous avons eu dans le cas de Gaza, 12.000 roquettes  lancées sur nos villes.   Pour ce qui est du Liban, nous avons  une enclave iranienne et 12.000 autres roquettes.   Nous ne pouvons-nous permettre de voir une telle chose se reproduire.   Nous devrions parvenir à un arrangement qui assure notre sécurité, et qui nous fasse savoir ce qui  va se passer de l’autre côté, dans le (futur) Etat palestinien. S’agira-t-il d’un autre Etat à la solde de l’Iran qui veut notre destruction ? Un Etat qui se dotera de missiles et de roquettes ?  Ou s’agirait-il d’un Etat qui viendrait  changer le climat (d’hostilité existant entre nous), qui enseignerait  à son peuple et à ses enfants à vivre en paix avec nous et qui serait  véritablement démilitarisé ? Ce sont des  questions qui  ne peuvent être résolues avant  d’entrer sous la tente. Ces points devront  cependant être solutionnés avant que nous ne quittions  la tente, avec un accord. Mais je ne pose aucune condition,  ni exigence en préalable aux négociations, et  je forme le vœu qu’il en soit de même pour les Palestiniens.
     
    Lally Westmouth Pourriez-vous en quelque manière que ce soit  encourager les Palestiniens à venir  s’asseoir la table de négociations ? 
     
    B. Netanyahou : Nous avons déjà fait d’importantes concessions – ils m’ont demandé le gel de toutes les implantations.
     
    Lally Westmouth : Bon, c’était lors de votre dernier mandat ? Aussi pourquoi ne  le referiez-vous pas ?
     
    B. Netanyahou : J’ai dit que cela n’avait pas été fait depuis 18 ans. Ils m’ont dit « Mais si vous le faites et que vous vous donnez assez de temps, comme par exemple presqu’une année, Abou Mazen  viendra ». J’ai répondu qu’il était quasiment impossible de le faire (de geler les  implantations) mais j’ai fini par céder !  Apres 10 mois de gel, il (Abou Mazen) est venu et la seule chose que j’ai  entendue de lui, c’était d’accorder un nouveau délai de trois mois. Je pense que cela prouve que le problème n’est pas le gel des implantations.   Le vrai problème n’est pas celui des implantations.  C’est un point qui devra être résolu par des négociations. Quelle est en fait la véritable raison pour laquelle le conflit n’a pu être résolu jusqu’à ce jour et se poursuit depuis des années, et ce bien avant même d’avoir une quelconque  implantation ? Et bien  après que nous ayons évacué Gaza et démantelé les implantations qui s’y trouvaient, le conflit n’a cessé de continuer.
     
    Lally Westmouth : Pensez-vous que la véritable raison pour laquelle ce conflit n’a toujours pas été résolu, est ……. ?
     
    B. Netanyahou : La vraie raison est le refus persistent de reconnaitre un Etat juif souverain, dans quelque frontière  que ce soit. Cela fut et demeure le cœur  de ce conflit. Pour trouver une solution à tout cela, les Palestiniens devront reconnaitre l’Etat juif  tout comme nous reconnaitrons l’Etat palestinien. Les deux peuples, les deux nations méritent un  Etat-Nation  bien à eux.  Les Palestiniens s’ils le souhaitent, pourront se rendre dans l’ Etat palestinien : les Juifs s’ils le souhaitent pourront se rendre dans l’Etat Juif. Et nous devrons avoir des accords de sécurité et de démilitarisation  entre nous. Mais l’origine et la racine de ce conflit sont le refus de reconnaître Israël dans quelques frontières  que ce soit. Une fois cet obstacle   surmonté,  je pense qu’il y aura une chance pour la paix. Je pense que ce problème n’a  jamais été reconnu en tant que tel, car les gens font une fixation sur les effets du conflit  que sont les implantations, mais certainement jamais sur ses causes.
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