Amos YADLIN
Traduction de l’Hébreu : BETTY HAREL
L’accord intermédiaire qui vient d’être conclu à Genève n’est qu’un accord préliminaire, partiel et provisoire pour les six prochains mois. Au terme de cette période, les grandes puissances et l’Iran s’efforceront de parvenir à un accord définitif et global. Cependant, d’aucuns savent que les accords provisoires deviennent souvent permanents, surtout dans le cas où les négociations se soldent par des échecs.
Israël aurait de loin préféré qu’un accord permanent soit d’emblée conclu, en vertu duquel la capacité de l’Iran de franchir le « point de non-retour » vers la bombe puisse se compter non plus en mois mais en années.
En dépit de la ferme opposition du Premier Ministre israélien à cet accord, ou peut-être à cause de celle-ci , Benjamin Netanyahu peut se targuer d’avoir pu améliorer les conditions et clauses de cet accord par rapport à celui initialement proposé il y a près de 15 jours aux Iraniens. Netanyahu a contribué à faire de ce "très mauvais accord" un accord acceptable pour les six prochains mois.
Points positifs de l’accord intermédiaire :
1) C’est la première fois depuis 2003 que le programme nucléaire de l’Iran va être stoppé et va pouvoir même connaitre un léger recul.
2) C’est aussi la première fois que le franchissement du « point de non-retour » vers la bombe, baromètre capital aux yeux d’Israël lui permettant de jauger la courbe de dangerosité de l’Iran, va non plus s’approchant mais au contraire s’éloigne. Même s’il ne s’agit que d’une légère amélioration, c’est l’inversement de la tendance qui compte.
3) Cessation du processus d’enrichissement à 20%.
4) Conversion de l’uranium déjà enrichi.
5) Neutralisation du stock d’uranium enrichi à 3.5 % et neutralisation des centrifugeuses en place et en activité.
6) Suspension de la filière de production de plutonium du réacteur d’Arak.
7) Contrôle et supervision accrus sur les installations iraniennes. Cela constitue un point capital de l’accord.
Tous les points précédemment énumérés constituent des acquis mais ils ne seraient pas suffisants et acceptables dans le cadre d’un accord final.
Lors de l’élaboration de l’accord final il faudra que celui-ci comporte des clauses éloignant impérativement l’Iran du seuil de fabrication de la bombe et ce en limitant de manière significative le nombre de centrifugeuses et en exigeant d’évacuer hors d’Iran tous les stocks de matériau enrichi.
En contrepartie des mesures exigées de l’Iran par les grandes puissances, il a été accordé à Téhéran un allégement partiel des sanctions d’un montant estimé à près de 7 milliards de dollars (sachant que les sanctions coûtaient entre 50 et 80 milliards de dollars à l’économie iranienne).
La Maison Blanche a fait clairement passer le message selon lequel elle reste fermement attachée à la poursuite de l’application des sanctions et à la pénalisation de tous facteurs (pays comme compagnies) contournant ces sanctions sur la période de six mois prévue par l’accord intermédiaire. Les Etats-Unis veulent ainsi éviter que l’accord intermédiaire ne débouche sur une annulation pure et simple du régime des sanctions imposées à l’Iran.
Le président Obama et son secrétaire d’état John Kerry ont également clairement rappelé que les clauses de l’accord intermédiaire n’étaient pas acceptables dans le cadre d’un accord permanent satisfaisant.
Points faibles de l’accord intermédiaire :
1) Il n’a pas été exigé de l’Iran le démantèlement total et complet de son infrastructure nucléaire. Cela constituait pourtant l’une des exigences requises par le Conseil de Sécurité de l’ONU.
2) Il n’a pas été exigé de l’Iran d’apporter des explications aux questions restées sans réponses concernant l’importance de son programme nucléaire à caractère militaire, bien que ceci ait également été requis par l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA).
3) L’accord ne reconnait pas de-jure le droit de l’Iran à enrichir de manière autonome son uranium, mais l’autorise cependant à continuer à enrichir son uranium à 3,5 %, à mettre en place de nouvelles centrifugeuses en remplacement de celles étant en mauvais état de marche. En outre, l’accord préliminaire octroie de facto à l’Iran une légitimité quant à sa revendication de faire reconnaitre son droit à enrichir l’uranium.
4) Cet accord ne prévoit pas la mise sur pied d’un mécanisme effectif de détection de sites secrets ayant des activités liées au programme nucléaire de l’Iran.
5) La plus grande faiblesse de cet accord réside dans le fait qu’il repose, sur l’hypothèse (erronée) que l’Iran ne fera fonctionner aucun des sites secrets dans les six prochains mois et ne fera pas, de fait, avancer son programme nucléaire. La plus grande circonspection est de mise lorsqu’il s’agit des intentions iraniennes, notamment compte tenu du fait que tous les sites nucléaires aujourd’hui déclarés de l’Iran ont été construits en secret et n’ont pu être découverts que grâce à l’opposition iranienne ou aux services de renseignements occidentaux.
En dépit de toutes les faiblesses précédemment énumérées cet accord préliminaire en tant que tel n’est pas un si mauvais accord. L’Iran a déjà depuis longtemps, bien avant même la conclusion de cet accord, acquis le statut de pays seuil, s’acheminant déjà à grands pas vers la fabrication de la bombe atomique.
Il sera impératif de mettre l’Iran à l’épreuve d’un accord définitif, prévoyant en cas de violation (à l’instar de ce qu’avait fait la Corée du Nord) la possibilité de faire reculer sensiblement son programme nucléaire et de l’éloigner autant que faire se peut du seuil de fabrication de la bombe atomique.
Cependant nul ne se sait s’il sera possible de parvenir à un accord permanent avec l’Iran, surtout si la menace des sanctions économiques et militaires n’est pas maintenue.
C’est pourquoi Israël doit, au cas où les parties ne parviendraient point à un accord qui soit acceptable, préparer un plan B comme suit :
1) Obtenir la garantie des Américains que l’accord permanent obtenu n’est pas la prolongation de l’accord préliminaire – ce dernier n’ayant pas vocation à être définitif.
2) S’accorder avec les américains sur la reprise des sanctions (ayant été levées) et prévoir même la mise en place légale de nouvelles sanctions applicables au terme des six mois de l’accord préliminaire.
3) Préparer un plan d’action "israélo-israélien" en cas d’absence d’accord permanent ou en cas d’accord intermédiaire se transformant en mauvais accord permanent laissant l’Iran très proche en termes de mois de la fabrication d’une bombe atomique.
Ce n’est qu’au terme des six mois ou au plus tard d’un an que nous serons en mesure d’évaluer la valeur de cet accord. A l’issue de cette période il nous sera permis de déterminer si ces accords sont comparables à ceux de Munich, lesquels dans toute leur infamie avaient conduit à la guerre la plus meurtrière de tous les temps , ou a contrario comparables aux accords de Camp-David, lesquels avaient apporté, un an après leur signature, la paix tant convoitée entre Israël et l’Egypte.