ONG israélienne fait de l’humanitaire en Syrie

"L’indifférence tue davantage que la peur"

  •   Envers et contre tout, une ONG israélienne fait de l’humanitaire en Syrie
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    Source: Danielle Ziri dans le Jerusalem Post

    Soixante-dix tonnes d’équipements sanitaires. 670 tonnes de denrées. 120 tonnes d’objets de première nécessité. 20 tonnes de médicaments. Voilà quelques exemples de l’aide humanitaire fournie à la Syrie par une ONG israélienne anonyme. Cette association, créée au début des années 2000, se consacre à aider des communautés touchées par des catastrophes naturelles ou des conflits humains dans les pays qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques avec Israël ou dans lesquels les régimes au pouvoir empêchent l’accès de convois humanitaires internationaux. En raison de la nature sensible de ses activités, le groupe préfère conserver l’anonymat.

    « Personne ne demande la permission de tuer. Nous ne demandons pas la permission de sauver des vies », explique la fondatrice de l’association, appelons-la Yaël. « Nous ne nous préoccupons pas de politique. Nous ne travaillons pour personne, juste pour notre conscience. » Quelque 1 200 Israéliens composent l’ONG, tous « aiment leur patrie et ont fait leur service militaire », souligne la militante. Venus d’horizons variés, ils participent à 4 types d’opérations : médical, soins post-traumatiques, alimentation de masse et sauvetage. « On n’est pas là pour remplacer l’Etat d’Israël », continue la directrice. « L’Etat contribue beaucoup là où il le peut. Nous nous concentrons sur des pays qui ne reçoivent pas l’aide israélienne officielle. C’est une assistance de citoyen à citoyen. » Depuis le début de la crise en Syrie, les bénévoles de l’opération travaillent en étroite coopération avec des groupes démocratiques et laïcs syriens présents sur le terrain, qui délivrent l’aide en des endroits spécifiques, établis à l’avance. « Nous avons commencé à travailler environ 3 semaines après le début du conflit syrien. A l’époque, on ne connaissait pas encore l’ampleur de la catastrophe à venir ».

    « Se sentir au bon endroit, au bon moment »

    Dans le cadre du projet, intitulé «Il 4 Syrians » (Israël pour les Syriens), des centaines de tonnes d’objets de nécessité ont été délivrées : savons, brosses à dents, kits d’hygiène féminine, papier toilette, mouchoirs, couvertures, matelas, bouteilles d’eau… En plus de l’aide médicale et post-traumatique, les équipes forment également les jeunes Syriens à utiliser des caméras numériques et des émetteurs satellites afin de «prendre des images que les médias voudront voir », continue Yaël. « Nous pensons qu’Assad fera de nouveau usage d’armes chimiques si les Etats-Unis interviennent. C’est pourquoi nous levons des fonds pour acquérir 3 000 kits de protection spéciale pour les équipes médicales syriennes qui travaillent dans plus de 14 villes différentes ».

    Travaillant dans l’anonymat, l’ONG rencontre de nombreux défis et difficultés sur le terrain. « Les Frères musulmans distribuent des vivres dans les mosquées, mais certaines personnes n’ont pas le droit d’y accéder, pour des raisons que nous ne connaissons pas », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « Le problème, c’est que les Frères essayent d’empêcher d’autres groupes d’aider aussi. Certains membres des groupes démocratiques avec qui nous sommes en contact ont été enlevés et frappés pour cela. » Selon les sources de l’association, le régime d’Assad a coupé l’eau dans certaines régions touchées par les armes chimiques. Or, l’eau est essentielle pour pouvoir rincer les zones corporelles atteintes par le gaz, se désole Yaël.

    Depuis sa fondation, l’ONG a mené des opérations secrètes dans une dizaine de pays, dont le Soudan, le Pakistan, l’Indonésie et le Sri Lanka. Ont-ils jamais peur ? « Nous avons tous des enfants, des familles et nous savons pertinemment quelles peuvent être les conséquences de notre activité. Il n’y a pas de méthode idéale pour gérer la peur. Mais le choix de faire cela, de se sentir à la bonne place au bon moment, est tellement gratifiant ! » s’enflamme Yaël. Avant de conclure : « Je pense que nous redoutons davantage l’indifférence que la mort. Nous savons que l’indifférence tue et ça, c’est plus fort que la peur».
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