Par Yvette Graubart-Blaiberg
Amis Belges de Yad Vashem
C’était déjà en septembre 1942 que Mordechaï Shenavi, un membre du kibboutz Mishmar ha-Emek, avait proposé la commémoration de l’Holocauste dans la diaspora.
C’est également Shenavi qui avait proposé le nom de Yad Vashem se référant à un passage d’Isaïe :
Et je leur donnerai dans ma demeure et dans mes murs un monument (Yad)…un nom éternel (Vashem), qui ne périra point.
Isaïe chapitre 56 verset 5.
Yad Vashem, le Mémorial national du Souvenir des Martyrs et des Héros de la Shoah, a été crée, en 1953 par une loi de la Knesset ( le parlement israëlien ) pour commémorer le souvenir de Six millions de Juifs, hommes, femmes et enfants assassinés par les nazis et leurs collaborateurs, de 1933 à 1945.
Ce mémorial entretient également le souvenir de l’héroïsme et du courage des Partisans et combattants juifs dans les révoltes des ghettos, ainsi que les actions des Justes parmi les Nations ayant sauvé, au péril de leur vie, des vies juives.
Yad Vashem a pour mission de perpétuer la mémoire et l’histoire de chacune des 6.000.000 de victimes et de transmettre les leçons de la Shoah auprès des générations futures.
Durant plus de 50 ans Yad Vashem a travaillé avec les survivants, leurs familles, les communautés juives cela fait de ce mémorial la première fondation de la mémoire de la Shoah.
Yad Vashem est situé sur la Colline du Souvenir du mont Herzl, Har Hazikaron, à l’ouest de Jérusalem.
Sur le parvis s’élève une colonne au sommet de laquelle est écrit le mot ‘Zhor’ Souviens-toi !
C’est un vaste complexe tentaculaire composé de chemins ombragés menant aux musées, expositions, archives, monuments, sculptures et mémoriaux.
C’est le 27ième jour du mois de Nissan dans le calendrier hébraïque(fin avril début mai) qui a été choisi comme jour du Souvenir des Héros et Martyrs de l’Holocauste (Yom Hashoah).
Cette date est le jour anniversaire du déclenchement de la révolte du Ghetto de Varsovie en 1943.
Une cérémonie nationale a lieu sur l’esplanade du Ghetto en présence de nombreux dignitaires dont entre autre le Président de l’Etat d’Israël et le Premier ministre.
Vous y pénétrez par le centre des visiteurs ou Mevoah qui pourrait représenter un pont entre la vie de tous les jours et l’unique atmosphère qui se dégage à Yad Vashem.Ce centre comprend l’accueil des visiteurs, une librairie et une cafétéria.
L’Allée des Justes
L’Allée des Justes menant au Sanctuaire du Souvenir est bordée de 2000 arbres( symbole de la renaissance ) plantés en l’honneur de non juifs ayant reçu le titre de Justes parmi les Nations.
Ceux-ci, hommes et femmes, qui au péril de leur vie, ont tenté de sauver des vies juives pendant la Shoah en agissant d’après les principes les plus nobles de l’humanité.
Des plaques nominatives adjacentes aux arbres donnent les noms et pays d’origine de ces Justes.
Vous y reconnaîtrez certains noms dont entre autres celui de Raoul Wallenberg, diplomate suédois ayant sauvé des dizaines de milliers de juifs à Budapest en 1944-1945 et Oskar Schindler rendu célèbre grâce au film de Steven Spielberg.
Plus loin, dans les Jardins des Justes parmi les Nations, se dresse un mur où sont gravés 18.000 noms de personnes ayant reçu également le titre de Justes.
Au 1er janvier 2021, 1774 Belges ont reçu le titre de Justes parmi les Nations.
C’est grâce au travail admirable d’Hélène Potezman qui s’est investie sans relâche dans cette tâche difficile et à sa successeur Sabine Grynberg qu’encore actuellement des médailles sont décernées chaque année.
Ohel Yiskor
Le Mémorial principal de Yad Vashem est le Sanctuaire du souvenir (Ohel Yiskor). L’édifice aux murs de béton, dalles austères, toit bas évoquant une tente (d’où son nom Ohel) demeure entièrement vide, à l’exception d’une flamme brûlant en permanence.
Les noms des 21 camps d’extermination, camps de concentration et sites des massacres nazis en Europe Centrale et Orientale sont gravés dans le basalte noir du sol. Devant la flamme commémorative une crypte contient des cendres de victimes.
C’est généralement là que les chefs d’états et personnalités sont invitées à raviver la flamme éternelle.
Une cérémonie nommée « Pour chaque Personne il y a un Nom » y a lieu également chaque année le jour de Yom Hashoah.
Mémorial des enfants
Un mémorial qui me tient particulièrement à cœur est celui unique dédié à ce 1 500 000 d’enfants juifs qui ont péris durant la Shoah, enfants innocents assassinés uniquement parce qu’ils étaient juifs.
Comment exprimer l’indescriptible ?
Creusé dans la roche, vous pénétrez dans une grotte sombre où se reflètent à l’infini des bougies (tradition juive pour se rappeler des morts) flammes vacillantes qui créent l’impression de millions d’étoiles brillantes au firmament.
Une voix égrène lentement, telle une litanie, les noms des enfants assassinés, leur âge et leur pays d’origine.
Ce mémorial, œuvre de l’architecte Moshe Safdie, a pu voir le jour grâce aux parents de Uziel Spiegel tué a Auschwitz à l’age de 2ans et demi.
La Vallée des Communautés
Monument massif de 2 acres et demi littéralement creusé à même la roche, la Vallée commémore les 5.000 communautés qui ont souffert de la terreur nazie dans toute l’Europe et qui, pour la plupart, ont été anéanties.
Les noms de ces Communautés sont gravés sur 107 murs de pierres blanches de Jérusalem brillants d’un éclat aveuglant.
La taille des caractères est là pour nous montrer la différence d’importance de ces communautés et la dispersion des noms sur les murs nous indique la dissémination des communautés dans la diaspora.
La tâche difficile des architectes, Lippa Yahalom et Dan Zur, a été de créer un monument de ruines, un acte qui requiert la con-struction de la des-truction. C’est pour cela que rien n’a été construit au-dessus du niveau du sol.
La Vallée des Communautés a été extraite de la terre.
Cela ressemble à une concentration de tombes, énormes, béantes comme si les milliers d’années de vie juive communautaire avaient été englouties dans les méandres de la terre.
Lorsque vous vous promenez dans ce labyrinthe vous vous sentez minuscule, une impression d’être pris au piège, une peur indescriptible que ces murs puissent s’effondrer sur vous.
Malgré tout, si vous levez les yeux vous pouvez apercevoir un arbre, une plante signe que la vie continuait quelque part.
Le Mémorial aux Déportés
Le Mémorial aux Déportés date de 1995 et a été établi à Yad Vashem comme monument dédié aux millions de Juifs entassés comme du bétail dans ces wagons et transportés de l’Europe entière vers les camps d’extermination.
Ce wagon d’origine, réquisitionné par les Allemands durant la guerre et donné par les autorités polonaises à Yad Vashem, se situe au centre du site. Il est perché sur un rail d’acier à même la montagne.
Même s’il symbolise ce voyage vers l’anéantissement, le fait de faire face aux collines de Jérusalem reflète l’espoir et la vie que l’Etat d’Israël et sa capitale Jérusalem lui confère.
Dirigeons nous maintenant vers la partie académique du site Yad Vashem.
L’institut International de Recherche sur la Shoah
L’Institut international pour la recherche sur l’Holocauste fut établi à Yad Vashem en 1993 comme unité académique autonome, afin d’approfondir et d’élargir la recherche au sujet de l’Holocauste, afin d’encourager des projets de recherches post-doctoraux et avancés. L’Institut s’occupe du développement et de la coordination de la recherche internationale, fait des projets de recherche, organise des conférences internationales, prépare et publie des études, des conférences, des documents et des monographies sur la Shoah.
Les professeurs Israel Gutman et Yehuda Bauer anciens directeurs continuent leur rôle actif à l’Institut comme conseillers académiques.. Depuis le 1er août 2000, le prof. David Bankier assume la direction de l’Institut. Le comité conseil de l’Institut est constitué d’académiciens des différentes universités israéliennes.. La recherche est faite sous la supervision du prof. David Bankier, Directeur de l’Institut, et du prof. Dan Michman, le principal historien de Yad Vashem.
Les Archives
La collection des archives de Yad Vashem sur la Shoah, la plus importante et la plus complète du monde, comprend 62 millions de pages dont entre autres des écrits de bureaucrates nazis et de leurs collaborateurs de toute l’Europe, des documents personnels de juifs tels des lettres, passeports, mémoires ainsi que de la documentation sur les organismes et institutions juives de l’époque, des listes détaillées des déportations, des confiscations etc.…
Vous pouvez également y trouver plus de 267.000 photographies de l’Europe juive d’avant, pendant et après la Shoah.
Des milliers de films en langues différentes.
La plus grande bibliothèque du monde sur le sujet de la Shoah comprenant plus de 86.000 livres, articles, périodiques tout cela catalogué, informatisé afin d’être consulté à tout moment par ceux qui le souhaitent.
Des dizaines de milliers de témoignages sur cassette ou vidéo enregistrés par des survivants en Israël et dans le monde dans leur langue maternelle sont également disponibles.
Un autre projet de ces archives sont les feuilles de témoignages.
Ces témoignages apportés par parents, amis, connaissances contiennent des détails biographiques.
L’original de ces feuilles est conservé dans la salle des Noms et les informations qu’elles contiennent sont minutieusement enregistrées dans la banque de données informatique.
Des millions de visiteurs du monde entier sur Internet…voici le succès fantastique pour l’une des entreprises les plus fabuleuses menées par Yad Vashem.Le 22 novembre 2004 Yad Vashem a mis en ligne plus de 3 millions de noms de victimes de la Shoah.Grâce aux archives de l’institut, d’autres noms viendront bientôt s’y ajouter. Ce travail de mémoire compile les données accumulées depuis 50 ans et résulte d’un travail colossal de numérisation réalisé par 1500 personnes et qui se poursuit encore. Yad Vashem a voulu associer aux chiffres des noms, des familles et parfois des visages. Mais c’est aussi le lancement d’une campagne de la dernière heure afin de rassembler le plus possible de noms auprès des survivants et de leur famille.
Madame Simone Veil a accepté de parrainer ce projet. »Pour la première fois, nous a-t-elle dit, ces bases de données sont accessibles à tous et c’est vraiment formidable, parce que les gens pourront sûrement retrouver des personnes qui ont disparu et dont ils ne savaient rien. Et surtout la mémoire de ces millions de juifs assassinés sera pérennisée. C’est très important pour les familles, c’est très important pour les Historiens. »
Madame Veil a également souligné le fait que c’est essentiel pour combattre ceux qui sont tentés de mettre en doute la réalité de la Shoah, son importance, le nombre de victimes. »A partir du moment où ils sont identifiés d’une manière aussi précise le mensonge devient évidemment impossible ! »
L’Ecole Internationale pour l’enseignement de la Shoah
Comme il n’est pas possible de construire un meilleur avenir sans prendre le passé en considération, l’éducation est primordiale et demeure la mission principale de Yad Vashem.
L’Ecole Internationale pour l’enseignement de la Shoah comprend 17 salles de classe, un centre multimédia, un centre pédagogique et un auditorium.
Les 100 membres de l’équipe pédagogique avec pour directeur le Dr Motti Shalem a déjà accueilli cette année plus de 100.000 étudiants et lycéens, 50.000 soldats et des milliers d’éducateurs d’Israël et du monde.
Les cours sont enseignés dans différentes langues dont l’hébreu bien sûr mais également en 8 autres langues dont l’Anglais, le français, l’allemand etc.
L’Ecole a par ailleurs accru son rayonnement en envoyant régulièrement ses spécialistes animer des séminaires sur l’enseignement de la Shoah à travers le monde, tandis qu’une partie de l’équipe se consacre au développement de matériel éducatif et de programmes basés sur le multimédia, l’interactivité, des cartes, des films, des livres ou autre.
Les projets sont multiples :
- Les séminaires de formation pour éducateurs venant de l’étranger est un projet qui me tient particulièrement à cœur.
Un séminaire auquel participaient 26 enseignants belges des 2 communautés, néerlandophones et francophones, a eu lieu durant une semaine à Yad Vashem en avril dernier. Ce séminaire faisant partie d’un programme pédagogique « Classroom of Difference » et financé par le ministère des affaires étrangères belge a pu voir le jour grâce à l’acceptation du projet soumis par la député bruxelloise Madame Viviane Teitelbaum et en coordination avec Yad Vashem et les Amis Belges de Yad Vashem.
Ces enseignants et éducateurs ont pu approfondir leur connaissance sur la Shoah et l’antisémitisme grâce aux outils utilisés comme la méthodologie de l’histoire, la psychologie et les ateliers de travail.
Des séminaires d’un jour existent également pour les lycéens, étudiants, soldats de l’armée israélienne ainsi des séminaires préparatoires pour ces étudiants qui font les voyages d’études en Pologne et en Allemagne.
Comme l’a si bien dit Monsieur Avner Shalev, président du comité directeur de Yad Vashem, les jeunes d’aujourd’hui expriment une curiosité à connaître leur histoire et leur identité. Cela leur est possible à Yad Vashem car l’histoire de la Shoah leur est présentée d’après une perspective juive. Chaque visiteur quitte Yad Vashem avec cette impression personnelle d’un événement qui possède une dimension universelle.
Conclusion
Pour moi,
Yad Vashem est un lieu de repentir, de modestie. Un lieu de silence afin d’essayer de comprendre comment des hommes ont pu commettre l’indescriptible dans un monde considéré comme éminent !!
Il faut le considérer comme la clé de nos racines, la porte de notre mémoire, le chemin de notre empathie et surtout la voie vers un futur plus humain.